La décollation de Saint-Jean Baptiste

#DesHistoiresDanslArt | Episode 1 : La décollation de Saint Jean Baptiste | Vous avez sans aucun doute déjà vu un de ces tableaux. Mais connaissez-vous l’histoire qu’ils racontent ? Petit thread sur ce motif central de l’histoire de l’art occidentale ⤵️

Au fil du temps, la mort de Saint Jean Baptiste s’est colorée d’une symbolique qui tend à séparer les deux facettes de cette figure et, dans l’imaginaire collectif, le prophète et la victime de Salomé sont devenus deux personnages qu’il nous faudra d’abord réconcilier.

Fils du prêtre Zacharie et d’Elisabeth, celui dont la naissance est annoncée à son père, comme plus tard celle de Jésus à Joseph, par l’archange Gabriel… (Luc 1 👇).

…est l’un des prophètes majeurs de la Bible, l’annonciateur du Messie qu’il baptisera ensuite dans l’eau du Jourdain. Cette scène de la vie de Jésus a fait l’objet de nombreuses représentations, comme ici dans les Très Riches Heures du Duc de Berry conservées à @chantillydomain

…ou encore à la Renaissance dans cette céramique du florentin Andrea della Robbia à la Pieve delle Sante Flora e Lucilla ou dans cette toile du Greco conservée au @MuseodelP.

Son existence historique est attestée par l’historien latin Flavius Josèphe qui, dans les Antiquités judaïques, le présente comme un « homme de bien » qui engageait « à pratiquer la vertu ». Un texte à lire, en latin, sur @GallicaBnF ou en français ici : http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda18.htm#V

C’est dans l’exercice de ce ministère prophétique que Jean Baptiste va trouver la mort, dans un récit que rapportent tant les Évangiles de Matthieu (14) et de Marc (6) que Flavius Josèphe au livre XVIII du texte déjà mentionné.

L’histoire commence par un scandale à la tête du royaume de Judée. Hérode, alors tétrarque (*monarque d’une des quatre parties du royaume) de Galilée et de Pérée, était marié à Phasaélis, fille du roi de Pétra, Arétas | Image : Andrew c

Un jour, sur la route de Rome, Hérode s’arrête chez son frère… et tombe amoureux de sa femme, Hérodiade – ici représentée par le peintre français Paul Delaroche (1843) – qu’il épouse, sans égard pour son frère, ni pour les conventions.

Comme le rapporte ici Matthieu (14. 3-4), Jean Baptiste condamne ce mariage et s’attire les foudres d’Hérode et de sa nouvelle femme…qui le font mettre en prison.

Flavius Josèphe souligne la dimension politique de cette arrestation : « Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui ».

Mais Hérodias, fâchée, ne voulut pas en rester là. Reprenons à partir d’ici la lecture avec Marc (6) : « Hérodias était irritée contre Jean, et voulait le faire mourir. Mais elle ne le pouvait; car Hérode craignait Jean, le connaissant pour un homme juste et saint ».

« Cependant, un jour propice arriva, lorsque Hérode, à l'anniversaire de sa naissance, donna un festin à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée », festin représenté dans ce bas-relief en bronze (Sienne, 1427) par le sculpteur florentin Donatello.

Lors de ce festin, « la fille d’Hérodias – ici par le peintre allemand Franz von Stuck (1905, @Lenbachhaus) – entra dans la salle ; elle dansa, et plut à Hérode et à ses convives ».

Cette danse – la danse des sept voiles – va marquer l’histoire de l’art et devient au XIXe un mythe de la sensualité dangereuse. Ainsi, au théâtre, avec Oscar Wilde et sa Salomé (1891), à lire sur @wikisource_fr : https://fr.wikisource.org/wiki/Salom%C3%A9_(Wilde)

…et à l’opéra dans sa reprise par Richard Strauss en 1905, pièce que montait encore récemment le @DutchNatOpera avec la soprano Malin Byström dans le rôle de Salomé…

…mais aussi en littérature, chez Flaubert, au chapitre 3 de la nouvelle Hérodias dans les Trois contes (1877) que donne à lire @laBnF sur son site : https://gallica.bnf.fr/essentiels/flaubert/trois-contes/danse-sept-voiles

…ou en poésie, avec le poème Salomé d’Apollinaire dans Alcools (1913), via @poeticafr.

Mais poursuivons notre récit. A la fin de cette danse, Hérode, séduit, promet d’offrir à Salomé tout ce qu’elle demandera. « Étant sortie, elle dit à sa mère : Que demanderai-je ? Et sa mère répondit : La tête de Jean Baptiste ».

« Le roi fut attristé ; mais, à cause de ses serments et des convives, il ne voulut pas lui faire un refus. Il envoya sur-le-champ un garde, avec ordre d’apporter la tête de Jean Baptiste ». Ordre aussitôt exécuté, comme le représente Le Caravage en 1608.

Le meurtre commis, « le garde […] apporta la tête sur un plat. Il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère », une scène que Le Caravage encore montre dans cette toile conservée à la @NationalGallery de Londres.

Jean Baptiste, saint homme, périt donc par l'intrigue de deux femmes et l'immoralité d'un roi. Récit sensuel et tragique, entouré d’un halo de mythe, le tout dans un décor d’Orient : la recette parfaite pour assurer une longue vie à ce motif à travers l’histoire de l’art…

Ainsi, au XVe siècle, par le peintre italien Andrea Solari (KHM, Vienne)

Au XVIIe, sous le pinceau, toujours italien, du Guerchin, aujourd’hui au @mbar_officiel à Rennes

ou au XIXe siècle, en Hollande, avec Jan Adam Kruseman dans cette peinture à l’huile conservée au @rijksmuseum

…mais aussi en Angleterre avec Aubrey Beardsley, récemment mis à l’honneur au @MuseeOrsay, avec cette illustration de la pièce déjà citée d’Oscar Wilde dans le premier numéro de la revue The Studio en 1893…

… en Autriche, dans ce tableau plus que connu de Gustav Klimt où les figures de Salomé et de Judith se confondent….

… ou en France dans cette toile absolument formidable de Gustave Moreau dont une version est visible dans le merveilleux @MuseeMoreau à Paris (qu’il faut, disons-le en passant, à tout prix visiter)…

… et encore au XXe siècle, comme dans ce tableau du symboliste français Gaston Bussière (1925)

Et puisqu’on pourrait encore prolonger longtemps cette liste, on vous invite plutôt à nous rejoindre : partagez avec nous une œuvre représentant cette scène ! Et rendez-vous très prochainement pour un nouvel épisode de #DesHistoiresDanslArt !

Originally tweeted by Résidences (@ResidencesArt) on 22 janvier 2021.