La Chronique de Nuremberg

Il y a quelques jours, nous vous parlions de l’un des chefs-d’œuvre d’Albrecht Dürer. Aujourd’hui, nous avons envie de vous parler d’un des grands monuments de l’histoire du livre : La Chronique de Nuremberg. 🧐 Et s’il y avait un lien entre les deux ?

La Chronique de Nuremberg ou Liber chronicarum est sans doute l’un des plus célèbres incunables (*un livre imprimé avant 1501). Riche de quelques 1800 illustrations, cette œuvre constitue autant un chef d’œuvre esthétique qu’un événement majeur de l’histoire de l’imprimerie.

Cet in-folio (environ 40 par 30 cm) de quelques 300 pages a été publié à Nuremberg, haut lieu de l’humanisme européen, en 1493. Deux versions existent : une latine, signée par Hartmann Schedel (👇) publiée en juillet et une traduction allemande, de George Alt, datée de décembre.

L’objectif ? Raconter l’histoire du monde depuis sa création. Pour ce faire, Schedel écrit, mais aussi et surtout compile différents textes issus de sa bibliothèque. Dans la lignée de Saint-Augustin, Schedel divise l’histoire du monde en 8 grandes périodes, depuis la Création…

…jusqu’à l’Apocalypse et au Jugement dernier.

Le lecteur est même invité à compléter le livre 6, qui traite du temps présent, et quelques pages sont ainsi laissées vierges à cette intention.

Dans la Chronique – comme dans les bestiaires – coexistent ainsi temps mythologiques et histoire réelle, ce qui ne doit pas être interprété comme de la naïveté, mais témoigne bien d’un système de pensée où les récits participent autant que les faits à éclairer le sens des choses.

Cependant, ce n’est pas tant pour le texte que la Chronique occupe une telle place dans l’histoire du livre mais bien pour la richesse et le foisonnement de ses illustrations, à l’instar des représentations de villes européennes, comme ici Jérusalem, Venise, Paris ou Marseille…

…de ses cartes, comme cette magnifique carte de l’Europe centrale (l’Italie est en haut), titrée « le chemin de Rome »…

… ou encore les multiples illustrations qui accompagnent les textes, comme cette généalogie d’Adam ou cette représentation de l’arche de Noé.

Alors, outre le ravissement esthétique, quels liens peuvent bien relier Dürer et la Chronique de Nuremberg ? Eh bien, c’est essentiellement une affaire de famille.

Dürer est issu d’une lignée d’orfèvre, hongrois par son père et allemand par sa mère. Or, les orfèvres sont des acteurs centraux de la naissance de l’imprimerie, cet art qu’un autre fils d’orfèvre, Gutenberg, fait décoller vers 1450 avec les caractères typographiques amovibles.

Albrecht Dürer baigne alors dans ce milieu et, dans la rue de la maison maternelle à Nuremberg, vit également son parrain, un autre orfèvre devenu imprimeur, Anton Koberger… l’éditeur et imprimeur de la Chronique !

Converti à l’imprimerie aux alentours de la naissance d’Albrecht Dürer, Anton Koberger est rapidement devenu un des plus grands imprimeurs européens, possédant jusqu’à 24 presses et plusieurs papeteries.

Entre 1486 et 1489, le jeune Dürer (il a 15 ans en 1486) est envoyé en apprentissage chez le peintre et graveur Michael Wolgemut à qui Anton Koberger va confier la majeure partie des gravures de la Chronique.

S’il ne contribue pas directement à la Chronique, il est ainsi probable que quelques-uns de ses dessins aient pu servir de travaux préparatoires à la réalisation des bois (*blocs de bois gravés).

La Chronique de Nuremberg occupe une place centrale dans l’histoire du livre imprimé et constitue un chef-d’œuvre exceptionnel que le numérique vous offre de feuilleter depuis chez vous, par exemple dans les collections de la @WDLorg : https://www.wdl.org/fr/item/4108/

…ou, encore et toujours, dans cette superbe mine d’or qu’est @GallicaBnF (ici, une version non colorisée) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8490060t

Originally tweeted by Résidences (@ResidencesArt) on 30 décembre 2020.